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Un texte de
Coralie NONNENMACHER
Lauréat de l'Aide à la création ARTCENA 2023
Mise en scène
Audrey BERTRAND
Avec
Robin BETCHEN
Coralie NONNENMACHER
Création 2025

Co-production
Cie Irrésistance
Cie La Moineau
Avec le soutien
de la Mairie d’Arles
Un frère et une sœur en pleine nuit se trouvent tour à tour et en même temps au bord d’une fosse sur un chemin de campagne, dans une cuisine et à l’avant d’une voiture. Les langues se délient, les reproches fusent, les questions sont proscrites. Il s’est passé quelque chose, il s’est forcément passé quelque chose de terrible.
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi nous est-il parfois impossible de réagir face à la douleur de quelqu'un qu'on aime ? Que se passe-t-il quand la seule issue d'une femme est de répondre à la violence par la violence ?
Il aura fallu attendre que quelqu'un meure pour qu'ils puissent enfin se parler.
N O T E D ' E C R I T U R E
de l'autrice Coralie NONNENMACHER-GUERIN
C’est d’une expression que j’utilise pour parler de ma relation avec mon propre frère que naît l’idée de ce texte. « S’il m’appelait à trois heures du matin en me disant Prends une pelle et ne pose pas de question, j’irai ». Cela implique un amour très fort : quoi qu’ai pu faire l’autre, on est prêt à aider, quitte à embrasser la culpabilité. C’est de cela que parle la pièce en premier plan : le rapport entre cette sœur qui a commis l’irréparable et ce frère qui accepte malgré tout de lui prêter main forte, malgré des années de silence.
A travers leur trajet et trois lieux différents (une voiture, un chemin de campagne et une cuisine), le spectateur découvre l’histoire de ces deux personnages qui ont grandi ensemble et qui font famille. Petit à petit apparaissent des fantômes de silence qui se dressent entre eux depuis trop longtemps : pourquoi depuis l’enfance cette sœur est-elle fragile, dans sa bulle, différente et mélancolique ? Comment en est-elle arrivée à tuer son propre mari ? Se révèle alors une vie entière de violence, qui a mené à une seule possibilité : tuer pour ne pas être tuée.
A travers l’abandon et l’incompréhension quasi-totaux que traverse le personnage féminin, je tente de questionner la méconnaissance encore actuelle des sujets des violences faites aux enfants et aux femmes. Le manque de psychologie et de sensibilisation dans la société dans laquelle on vit sont les conséquences d’un silence trop bien installé.
Dans le cas de cette sœur, les signaux ont existé depuis sa jeunesse. Elle révèle au cours de son récit qu’elle a subi plusieurs violences, dès son enfance, par différents hommes. Il s’agit aussi d’aborder le sujet des victimes de violences qui ont un risque plus élevé de subir de nouvelles violences en raison de leur trauma, de la dissociation qu’il entraîne, de la faible estime de soi, de l’environnement familial dysfonctionnel, des systèmes de croyance et de leur vulnérabilité.
Les signaux dans la vie de ce personnage ont été réels : une enfant déconnectée, renfermée sur elle-même, qui passe son temps à pleurer. Un comportement qui ne va jamais alerter son entourage mais occasionner des moqueries et véhiculer une image « hystérique » d’elle.
Il ne s’agit pas de faire le procès des parents, il s’agit de souligner que nous pouvons apprendre à reconnaître les signes et les prendre en compte. Pour cela, la sensibilisation à une réelle importance, nous connaissons aujourd’hui l’impact d’ateliers de parole sur ces sujets, notamment chez les plus jeunes, qui permettent de créer l’empathie et accueillir ou permettre la parole plus facilement.
Malheureusement, malgré la prise de parole de nombreuses femmes, malgré les témoignages grandissants (700 appels par jour au 119 Allo Enfance en Danger en 2022), la réponse du gouvernement et de la justice française n’est ni suffisante ni convaincante.
Aujourd’hui, trop de femmes encore sont emprisonnées car elle refusent de rendre leur enfant au père incestueux (affaire Priscilla Majani, affaire Sophie Abida, appel des 500 mères). Trop de femmes trinquent pour la violence de leur mari : nous vivons dans un pays où des hommes prennent quelques mois de sursis pour le passage à tabac de leur conjointe et un bracelet électronique pour le viol d’un enfant. La femme et l’enfant eux, sont condamnés pour toujours à vivre avec un traumatisme. C'est dire le prix que l’on accorde aux vies et voix des victimes de violences physiques et/ou sexuelles, qui, je le rappelle représentent 213 000 femmes sur une année (2019), 8 femmes sur 10 et 1 enfant sur 5.
Quand allons-nous considérer que tant de victimes représentent un nombre inacceptable de bourreaux ?
Dans cette pièce, la parole du frère, dure parfois, questionne les raisons pour lesquelles les victimes ne parlent pas. Son discours permet d’aborder la solitude dans laquelle ces femmes se trouvent, la honte et la culpabilité qui reviennent systématiquement dans les témoignages. Le personnage masculin du frère exprime toute sa colère, aussi bien contre sa sœur qui l'entraîne avec lui pour cacher un corps, mais surtout contre lui-même de n’avoir rien fait ou rien pu faire pour l’aider avant l’irréparable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il se sent obligé de l’accompagner à ce moment-là. Il intervient tardivement mais il est là en dernier recours, lui exposant les possibilités qui s’offrent à elles, l’aidant à enterrer son passé en entier avant de la laisser disparaître.
La nécessité d’écrire et porter au plateau ce projet réside dans le fait d’aborder des sujets parfois méconnus au sein de la problématique des violences faites aux femmes.